1. Echecs et maths
2. Lasker biographie
3. Einstein et Lasker.
4. Le style Lasker
5. Une partie mémorable
6. Le règne de Lasker
7. Gentleman fumeur de cigares
8. Le tournoi de New-York de 1924
9. La contribution mathématiques
10. La décomposition primaire
11. Liens et références
Quelques instituteurs n'hésitent pas à inclure dans leurs programmes pédagogiques l'apprentissage du jeu d'échecs, plus rarement le jeu de dames, le bridge ou encore le jeu de go. A mon avis, le choix des échecs est le plus judicieux parce que plus ludique, et plus équilibré du point de vue stratégique et tactique. Quoiqu'il en soit, la bonne conduite d'une partie passe par l'analyse d'une situation, la création d'un plan et son application. L'exécution de l'enchaînement jugement, plan et coup est contrarié par les coups de l'adversaire, et apprendre à garder le cap dans ce contexte développe des facultés intellectuelles et psychologiques qu'on retrouve dans bien des domaines, et notamment dans l'activité scientifique.
Quand ils analysent la démarche abstraite qui fait émerger un coup d'une position, les joueurs d'échecs parlent d'art. L'art de bien jouer aux échecs mélange l'art de la programmer des informaticiens et celui de la création mathématiques. La plupart des mathématiciens se sont intéressés aux échecs. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de perdre quelques blitz contre une médaille Field ! Résoudre une position, démontrer une question mathématiques ou encore découvrir un algorithme procurent les mêmes plaisirs.
Le web est un autre point de convergence des milieux informatiques,
échiquéens et mathématiques. En quelques années,
ces trois communautés ont créé des ressources
remarquables. Les sites sont particulièrement étoffés,
généreux et surtout très bien structurés incluant
des forums de discussions très actifs nouveaux lieux d'échanges
et d'apprentissages.
Pourtant, les grands joueurs d'échecs mathématiciens de
premier plan ne font pas légion. Le (sincère) combat pour
l'honneur de l'esprit humain des uns et des autres relève chaque
jour plus haut le niveau des connaissances théoriques des deux disciplines
et la compétition exacerbée dans des deux camps n'arrange
pas les choses : il n'y a jamais eu de médaille Field championne
du monde des échecs...
Quand il est question d'échecs et maths, le milieu échiquéen
cite invariablement le nom de Max Euwe (1901-1981) comme chef
de classe des mathématiciens joueurs d'échecs mais force
est de constater que les compétences mathématiques de l'ancien
champion du monde n'ont jamais été démontrée
! Bien entendu, dans cette note je pars du principe qu'un joueur
d'échecs possède un niveau de maître international
et qu'un mathématicien doit avoir défendu un doctorat et
publié dans un journal de mathématiques.
Le co-auteur de la célèbre immortelle, Adolph Anderssen (1818-1879), a enseigné les mathématiques et obtenu le grade de docteur de l'université de Breslau mais à titre honorifique pour ses résultats échiquéens ! Le premier champion du monde officiel Wilhem Steinitz qui fait sortir le jeu d'échecs de sa période romantique par sa fameuse déclaration : les pions sont l'âme des échecs, n'a rien à voir avec le mathématicien Ernst Steinitz (1871-1923) de la clôture algébrique des corps. Les homonymes ne facilitent pas les choses, certaines paires de famille ajoutent à la confusion comme le mathématicien Ben Fine, fils du joueur Reuben Fine, ou encore les frères James et Robert Tarjan, ou encore les frères Jonathan et Roger Penrose ! Je ne l'ai pas encore vérifié mais le systeme Steiner de la défense Caro-Kahn contre l'attaque Panov n'a probablement rien à voir avec les systèmes de Steiner de la théorie des configurations tactiques.
Dans un article récent (algebraic geometry between Noether and Noether -- An forgotten chapter in the history of algebraic geometry) de la revue d'histoire des mathématiques de la SMF, J. Gray écrit : il y eu un flux continu de publications, répondant aux travaux de Hilbert aussi bien que de Kronecker. Les mathématiciens hongrois Konig, Kurschak, les français Molk et Jacques Hadamard, Emanuel Lasker et enfin le professeur de lycée anglais Macaulay, ont tous publié abondamment sur le sujet. Ces travaux sont étroitement liées à une étroite élaboration progressive des notions d'anneau, de corps et autres concepts connexes.
Disons-le tout de suite, ces travaux sont d'une importance capitale pour le développement de la géométrie algébrique, de l'algèbre commutative et de l'arithmétique, trois disciplines particulièrement techniques du champ des mathématiques. Le personnage Emanuel Lasker (1861-1941) qui apparaît dans cette liste n'est autre que le second champion du monde de l'histoire du jeu d'échecs. Après sa victoire sur Steinitz, il déclare : le joueur a battu le penseur. Pragmatique aux échecs parce que (probablement) penseur par ailleurs, Lasker est un véritable mathématicien comme l'atteste la publication Zur theorie der moduln und ideale que je résume plus loin. Champion du monde pendant une vingtaine d'années, il perd son titre en 1921 contre le trés précis José Raoul Capabanca. Ainsi, sa brillante carrière de joueur pragmatique semble avoir éclipsée ses travaux de mathématiques qui précision utile ont été entrepris sous la direction de David Hilbert.
Aux cours de mes premières lectures sur la géométrie algébrique, le cours de géométrie algébrique de Jean Dieudonné, quand j'ai rencontré le nom de E. Lasker, je ne l'ai automatiquement dissocié du champion du monde tant il me semblait impossible que l'on puisse embrasser à un tel niveau ces deux disciplines échecs et géométrie. Il ne pouvait s'agir que d'un homonyme... L' homonyme qui existe bien en la personne d'Edouard Lasker, cousin [???] d'Emanuel Lasker. Ingénieur de son état, Edouard a inventé une machine à traire les vaches. Il s'agit donc d'un *man et non pas d'un chess-man !!!
Il existe aujourd'hui quelques maîtres internationaux mathématiciens,
une petite liste est proposée dans La page Chess
and Mathematics du professeur W.D.
Joyner . Signalons la performance du grand maître international
John Nunn classé 2600 points elo et auteur d'une thèse en
topologie algébrique de l'université à Oxford. A condition
d'inclure les auteurs d'études et problémistes, Noam Elkies
professeur de mathématiques de université de Harvard est
le chef de liste des joueurs d'échecs mathématiciens. Ex-champion
du monde dans la catégorie résolution de problème,
certaines de ses études apparaissent dans un ouvrage
du grand maître international Yusupov et du MI Dvoresky qui a
entrainé l'équipe de France d'échecs pour les olympiades
à venir.
Emanuel Lasker est né le 24 décembre 1868
à Berlinchen. Il part étudier les mathématiques à
Berlin dés l'age de 11 ans. Son frère Berthold Lasker lui
apprend les bases du jeu d'échec. Vers ses quinze ans, il commence
à se passionner pour les 64 cases, et commence à gagner de
l'argent de poche au café Kaiserhof de Berlin. Quelques années
après, il obtient le titre de maître des échecs. Bien
que professionnel des échecs à l'age de 23 ans, Lasker possède
d'autres champs d'intérêts. Il est docteur en mathématiques,
sous la direction de David Hilbert, il contribue au développement
de la géométrie algébrique en introduisant la notion
d'idéal primaire. Mais avant tout, Emanuel Lasker souhaite être
perçu comme un philosophe. Il possède un doctorat de philosophie
et à écrit trois livres : le combat, comprendre le monde
et la philosophie de l'inaccessible. Vers la fin de sa vie, il s'intéresse
à la sociologie et écrit : la communauté du futur.
Les grands esprits se rencontrent, Lasker compte parmi ses amis le physicien
Albert Einstein avec lequel il débat de la connaissance de l'univers,
au travers de la théorie de la relativité.
Les échecs mettent en conflitnon pas deux intelligences,mais deux volontés.Emanuel Lasker.
Dans les deux parties qui suivent Bertholdt joue les blancs, Emanuel
les noirs, nous sommes
à Berlin en 1890, le futur champion du monde a tout juse
12 ans.
Bertholdt Emanuel
1. d4 d5 2. Nf3 Nf6 3. c4 e6 4. Nc3 c6 5. e3 Nbd7 6. Bd2
Bd6
7. Rc1 O-O 8. Be2 Ne4 9. Nxe4 dxe4 10. Ng1 e5 11. Bc3
Qe7 12. d5 f5
13. dxc6 bxc6 14. Rc2 Bc5 15. Bf1 f4 16. exf4 exf4 17.
Qh5 Bb4
18. Ne2 Ne5 19. Bxb4 Nd3+
0-1
Bertholdt Emanuel
1. Nf3 d5 2. d4 Nf6 3. c4 c6 4. cxd5 cxd5 5. Nc3 e6 6.
Bg5 Be7
7. e3 O-O 8. Bd3 Nc6 9. Rc1 Bd7 10. O-O h6 11. Bh4 a6
12. Bb1 b5
13. Re1 g6 14. Ne5 Rc8 15. f4 Be8 16. Qf3 Kg7 17. Ne2
Ng8
18. Bxe7 Ngxe7 19. Nd3 b4 20. Nc5 Qb6 21. Bd3 Nb8 22.
Rc2 Bb5
23. Bxb5 Qxb5 24. Nc1 Nd7 25. N1d3 Nxc5 26. Nxc5 Rc6 27.
Kf2 Nf5
28. Rec1 Rfc8 29. Qe2 Qxe2+ 30. Kxe2 Ne7 31. Kd3 g5 32.
fxg5 hxg5
33. Nxa6 Rxa6 34. Rxc8 Nxc8 35. Rxc8 Rxa2 36. Kc2 Ra1
37. Kb3 Re1
38. Rc2 Rxe3+ 39. Kxb4 Rd3 40. Kc5 Rb3 41. Rf2 f5
42. Kd6 Kf6
43. Re2 Kf7 1/2-1/2
Quelques notes témoignent de relations amicales entre Lasker et un autre champion, le physicien Einstein . En voici une, tirée des Une des <<mille et une anecdotes>> recueillies autour de l'échiquier par Claude Scheidegger qui nous met sur la piste d'une relation d'amitié sincère entre Lasker et un autre champion du monde, Albert Einstein.
Dans les années du début du 20e siècle, le café
Romain était à Berlin ce que le café de la Régence
était à Paris : un lieu de rencontres pour les personnalités
du monde artistique et scientifique.
Si le rez-de-chaussée était réservé au café
proprement dit, au premier étage on jouait aux échecs. On y voyait souvent
jouer le grand Emanuel Lasker, mathématicien, philosophe et
champion du monde de 1894 à 1921 mais aussi de grands bonhommes
tels que les physiciens Max Planck (prix Nobel en 1918) et
Albert Einstein (prix Nobel en 1925). Un jour, Max Planck, faisait
une partie amicale avec Emanuel Lasker. Aucune de ces
parties, juque-là , s'était soldée par la victoire
du premier nommé, on s'en doute. Aucune et pourtant, ce jour là,
la position sur l'échiquier était visiblement à l'avantage de
Planck. Bizarre... Lasker semblait jouer sans venin. Allait-on s'acheminer
vers une victoire de Planck ? Cela semblait de l'utopie. Mais pourquoi cette
défaillance, dans cette partie, et non dans les autres où
Lasker battait à plate couture n'importe quel amateur ? Il fallait
voir derrière cette soudaine décompression de l'ex-champion
du monde (il avait perdu son titre au profit de Capablanca) une facétie
fomentée par un spectateur, en l'occurrence Albert Einstein, qui
était de connivence avec son ami Lasker. Pendant la partie, Einstein, que
l'on à plutôt l'habitude de voir devant un tableau, rempa
sous la table et, délicatement relia à l'aide de lacets les
bottes de Planck, sans que celui-ci ne sentît quoique ce soit. Son
travail de taupe terminé, Einstein fit un clin d'oeil à Lasker qui,
aussitôt, tendit la main à l'adversaire en signe d'abandon.
N'en pouvant plus, Max Planck exulte et s'écrie : " Je l'ai battu ! " Tout joyeux,
il se lève mais, ficelé, il perd l'équilibre et évite
de justesse, en se retenant à la table, devant l'assistance hilare.
Du point de vue
de Lasker , une partie d'échecs est un combat entre deux hommes,
avant d'être une discipline intellectuelle, artistique ou scientifique.
Les débuts de parties du Docteur Lasker sont modestes mais très
variés. Lasker joue tous les débuts ce qui lui permet de
s'adapter au style de ses adversaires. Il joue des débuts tranquilles
contre Janowski, laisse venir les attaques de Marshall etc... Le jeu de
Lasker s'affirme dans les milieux et les finales, une des caractéristique
du style Lasker est de ne jamais laisser filer un avantage substantiel,
en particulier, Lasker écrase littéralement les joueurs plus
faibles ce qui n'est pas le cas de tous les grand-maître !
Lasker ne joue pas , objectivement, le meilleurs coup, mais celui
qui crée le plus de problèmes à ses adversaires, les
entraînant dans des sentiers qu'ils ne connaissent pas très
bien... A cause de cela, ils se voient contraints d'adopter un style qui
ne leur est pas familier... Ils doivent surmonter des difficultés
spécialement conçues pour eux. Par conséquent, ils
dépensent beaucoup de temps dans la première phase du jeu
et doivent prendre des décisions rapides lorsque la position devient
difficile. C'est à ce moment-là que Lasker investit toute
son énergie. Il est alors trop tard pour l'autre, qui s'effondre
d'abord psychologiquement, puis sur tous les plans.
Lasker pousse sa méthode de combat au point d'obtenir des positions peu recommandables et presque ridicules pour un champion du monde. Alekhine et Fischer n'hésitent pas à qualifier Lasker de joueur de café. Pourtant, ces deux perfectionnistes ne négligent pas la composante psychologique du jeu, une arme fondamentale invariablement utilisée pour gagner du temps
L'excuse du manque de temps chez un maître expérimenté
ressemble à celle de l'assassin prétextant qu'il était
ivre au moment du crime.
Alekhine.
Dans la dernière ronde du tournoi de Saint-Pétersbourg, Lasker affronte Capablanca avec les blancs dans une partie qui doit se terminer par la victoire d'un des deux protagonistes. Le choix de l'ouverture ? Une variante échange de l'espagnole !? L'ouverture ne pose aucun soucis à Capablanca qui obtient même une position légèrement supérieure. L'ivresse des bonnes positions commence à gagner le cubain qui change de plan, avant de se fourvoyer, et perdre une partie qui au départ lui est favorable. Une partie citée en exemple par Capablanca dans son merveilleux traité « principes fondamentaux du jeu d'échecs », pour illustrer la règle : « quand un plan a été choisi, on ne doit plus en démordre sauf cas de force majeure ».
Lasker - Capablanca,
Saint-Petersbourg, 1914.
Ruy Lopez, variante échange
1. e4 e5
2. Cf3 Cc6
3. Fb5 a6
4. Fc6 !
Expédidifs, les blancs s'efforcent d'entrer de plain pied dans un milieu de partie d'où les dames seront exclues. Ils vont disposer de quatre pions contre trois sur l'aile-roi, tandis que la majorité des pions adverses à l'aile-dame a pour contrepartie un pion doublé. Par contre, un atout dont peuvent se targuer les noirs leurs fait défaut : la paire de Fous.Ici, se place la variante des échanges <<annulante>>. Le point d'exclamation n'est ajouté qu'en raison des circonstances dans lesquelles Lasker a choisi ce début.
4. --- dc6
La reprise 4. --- bc6 n'est pas trés bonne, le manque sous-développement qu'il implique rend difficile l'égalisation.
5. o-o d6 6. d4 f6 7. de5 de5 8. De2 Fe6 9. Ce1
5. d4
Aujourd'hui, on préfère jouer 5. o-o et 5. Cc3 avait la préférence d'Alekhine. Possible 5. d3 !? Fd6 6. d4 !. Ou encore 5. c3 Dd3 ! Toutes les variantes sont à peu prés égales.
5. oo Fg4 6. h3 h5 7. Ca3 !? Df6 8. Cc4 Fg4 = 5. d3 Fd6 6. d4 Fg4 7. de5 Fe5 8. Dd8 Td8 9. Cd2 ef4 10. h3 Fe6 5. Cc3 f6 6. d4 ed4 7. Dd4 Dd4 8. Cd4 Fd7 9. f3 ooo 10. Fe3 Fd6
5.
ed4
L'encyclopédie nous rappelle que la partie Lasker-Marshall du tournoi de New-York 1924 continua par 5. --- Fg4 6. de5 Dd1 7. Rd1 ooo 8. Re1 Fc5 9. h3 Fh5 10. Ff4 +-. Le développement du cavalier roi n'est pas meilleur 5. --- Cf6 6. Ce5 c5 7. c3 cd4 8. Db3 +-, Post-Wagner, Hambourg 1921.
6. Dd4
!
Eh quoi ! Mais cela provoque à l'échange des dames ? Le vieux routier est en train de préparer une nulle. Encore une fois, le point d'exclamation après ce coup parfaitement normal souligne le fait que cette partie, Laker doit la gagner !
6. --- Dd4
Plus récente est la continuation : 6. Fg4 7. Cc3 Ff3 8. Dd8 Td8 9. gf3 Fb4 10. Fd2 Ce7 11. Td1
de la partie Spassky-Ivkov de 1964, avec un jeu égal.
7. Cd4 Fd6
Les noirs veulent effectuer le petit roque. Ils estiment que la place du roi est sur la brèche, à l'endroit le plus affaibli, où il pourra s'opposer à l'assaut inéluctable des pions blancs. Si ce raisonnement est théoriquement irréprochable, son efficacité reste à prouver sur le terrain. L'échange de l'ensemble des pièces dans la situation présente laisserait virtuellement les blancs avec un pion de plus et donc une finale gagnante : cette particularité n?aura pas échappé au lecteur.Mais on peut tout de même opter pour le grand roque :
(A) 7. --- Cf6 8. f3 Fd7 9. Fe3 ooo 10. Cd2 Te8 11. Rf2 g6 = Lasker-Showalter, Cambridge-Spring 1904.Une autre façons de surfer sur l'égalité :
(B) 7. --- c5 8. Ce2 Fd7 9. Cbc3 ooo 10. Ff4 Fc6 11. o-o Cf6 12. f3 Fe7 = Lasker-Steinitz, 1894.Mais dans les deux cas, les blancs auraient pu grand-roquer eux aussi, non ?
7. ... Fb4 !? 8. Fd2 Fd6
8. Cc3
De tous les coups jouables : 8.Fe3, 8.f4, 8.o-o, 8. Cc3 cette dernière possibilité semble la plus indiquée.
8. --- Ce7
Les noirs adoptent un développement d'une solidité à toute épreuve. Aucun autre système ne peut leur procurer de telles facilités de temps et d'espace pour la mise en jeu du cavalier qui occupe en e7 sa position naturelle : il n'y crée nul obstacle aux pions noirs, peut au besoin venir en g6, voire même sur d4 via c6 après la poussée c6-c5.
9. o-o !
Ainsi commence l'attaque psychologique. Déployer le fou, puis roquer du coté de la dame est plus logique, mais Lasker tient à donner à penser à son adversaire. Que va faire Capa ? Le mieux serait de lancer son fou de la dame et de faire le grand roque. Mais il craint une combinaison élaborée et il imite le coup de Lasker. Ainsi s'inscrit le premier point psychologique du vieux stratège.
9. --- o-o
Capablanca nous a expliqué son choix concernant le roque. Quand est-il des blancs ? Le roque immédiat est probablement une erreur. 9. Fe3 est meilleur. On le voit bien, la simplicité de la position n'est qu'illusoire.
10. f4
Depuis l'époque de la partie, mon opinion n'a pas varié. Ce coup n'est pas bon. Il affaiblit le pion e4 à moins que ce dernier ne vienne sur e5, et donne en outre aux noirs une possibilité de clouage du cavalier d4 par Fc5.Le cubain a tout à fait raison. Le coup de pion en f4 fait basculer l'avantage du côté des noirs. 10. f3, 10. Td1, 10. Fe3 préservent l'égalité mais aucun d'eux n'est dangereux !
10. --- Te8
C'est le mieux. Ce coup menace : Fc5, Fe3, Cd5. Il empêche également Fe3 en raison de Cd5 ou Cf5.
11. Cb3
Pourquoi pas 11. Rh1
!? Le docteur économise le moindre tempo.
11. e5 Fc5 12. Fe3 f6 13. ef6 Cd5 14. Cd5 cd5 15. Ff2 =+
11. --- f6
Pour préparer b6, puis c5, Fb7 de concert avec Cg6, et les blancs seront bien en peine de repousser l'attaque conjuguée sur leurs pions centraux « e » et « f ».Un plan alternatif consiste à prendre immédiatement de l'espace à l'aile dame11. --- Fe6 aurait été préférable.
11. ... a5 12. a3 a4 13. Cd2 Fc5 14. Rh1 b5 =+
12. f5
Un
coup très contreversé !
On a prétendu que c'est ce coup qui gagne la partie. Rien n'est plus faux. Mon rêve : retrouver une telle position. Il m'a fallu accumuler les erreurs par la suite pour finir par perdre.Lasker a trés bien joué, c'est probablement la meilleure suite ! Les noirs conservent l'avantage mais dans la position qui s'est compliquée, l'allemand envisage des chances pratiques.Ce coup resserre les pièces ennemies, mais ne laisse-t-il pas, selon les théories modernes, un pion à la traine en e4 ? La manière dont Lasker transforme ce désavantage en atout deviendra évidente.
12. --- b6
13. Ff4 Fb7
Un coup dicté par l'inspiration plus que par le raisonnement. Je devais naturellement jouer 13. --- Ff4. Voici la variante du Dr. Lasker : 14. Tf4 c5 15. Td1 Fb7 16. Tf2 Tad8 17. Td8 Td8 18. Td2 Cd2, et à son avis les blancs ont le meilleur. Nimzovitch, cependant, remarqua aussitôt après la partie que le 16e coup de la variante du Dr. Lasker , 16. --- Tad8, n'était pas le meilleur. Sur 16. --- Tac8 !, les blancs auront le plus grand mal à annuler, car ils ne disposent d'aucun moyen satisfaisant pour empêcher les noirs de jouer Cc6 suivi de Ce5 avec la menace Cc4. Si les blancs cherchent à prévenir cette manoeuvre en retirant leur cavalier b3, ils cèdent la case d4 au cavalier adverse et leur pion e4 devient la cible d'une attaque. Dans la variante du Dr. Lasker, l'avantage supposé des blancs disparaît dès la réplique 19. --- Cc6 avec les menaces Cb4 et Cd4 qui ne peuvent en aucun cas être parées. S'ils répondent 20. Cd5, les noirs jouent 20. --- Cd4 qui leur assure au moins la nullité. En fait, après 19. --- Cc6, les noirs multiplient leurs menaces à tel point que l'on voit mal comment leur adversaire pourra éviter de perdre un, voire plusieurs pions.
On peut faire confiance au jugement de Capablanca mais en pratique après 20. Cd4, les blancs consolident leur position par le simple 21. Ce3 et, il est certain que la plus part des amateurs n'arriveront pas à défendre la finale avec le camp noir.Le cubain n'est pas content de son coup Fb7. Il vient de commettre une erreur ! Le dédoublement des pions est favorable aux blancs...
14. Fd6 =
Encore un apparent défi à la théorie. Les pions doublés sont tenus pour désaventageux, et pourtant ici Lasker dédouble délibérément les pions noirs. Pourquoi ? Parceque le pion doublé ne peut pas etre attaqué, mais maintenant Lasker vise le pion noir en d6. En meme temps, avec le trou béant du camp noir en e6, on voit se dessiner la trame victorieuse.14. --- cd6
Fait étrange, mais bien réel : je n'avais pas prévu ce coup avant de jouer 13. --- Fb7 et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas effectué le coup exact 13. --- Ff4.
15. --- Tad8
JRC aurait du reconnaître son erreur,
et revenir simplement avec
15. --- Fc8 +=
La partie est loin d'être perdue. Les noirs peuvent pousser c6-c5 puis d6-d5 pour répliquer à l'irruption du cavalier dans leur camp.
16. Ce6 Td7
17. Td1
Sur le point de jouer 17. --- c5 puis d6-d5 ce qui assurait la nullité selon toute apparence, je me sentis brusquement saisi d'ambition. Je jouai 17. --- Cc8. Je voulais sacrifier la qualité contre un pion en prenant le cavalier e6, ce qui affaiblit encore le pion e4. Suivant les circonstances, ce plan devait intervenir avant ou après la poussée g7-g5.Passons à l'analyse : 17. --- c5. Sur 18. Cd5 Fd5 19. ed5 b5 et l'examen le plus minutieux montre que les noirs n'ont rien à craindre. Dans cette variante, les noirs finiront par poster leur cavalier sur e5 via c8, b6 et c4 ou d7. Revenons à 17. --- c5. Sur 18. Tf2, alors 18. --- d5 19. ed5 Fd5 ! 20. Cd5 (le meilleur, car 20. Tfd2 Fe6 donne l'avantage aux noirs) Td5 21. Td5 Cd5. On ne voit pas comment les noirs peuvent perdre.
Sur cette variante
de JRC les blancs conservent un avantage par 22. Td2 Ce3 23. Tb6.
Les blancs peuvent jouer 18. Tf3, pour
agir à l'aile roi.
17. ... c5 18. Tf3 Rf7 +=
17. --- Cc8
Comme expliqué ci-dessus 17. --- c5 était le meilleur
choix. Une fois de plus le cubain ne joue pas le
coup optimal, la position se dégrade.
18. Tf2 +-
Le doublement sur la colonne n'est pas une priorité. Le coup prophylactique b3 pour contrôler le cavalier noir, suivi de g4, Ce2 afin de relayer par Cf4. Les noirs sont en difficulté.
18. --- b5
19. Tfd2 Te7
Le cubain oriente son jeu pour un sacrifice de
qualité. Il aurait du empêcher b4 en jouant :
19. ... b4 !?
Nouveau changement de plan, cette fois sans la moindre bonne raison. Si j'avais joué 21. ---Te6 22. fe6 Te6 comme je l'avais initialement prévu lors du recul du cavalier sur c8, la victoire finale des blancs devenait à tout le moins fort aléatoire et même, à mon sens, peu vraissemblable.L'avantage spatial des blancs devient manifeste. Mais comment ouvriront-ils la brèche ? Capa est réputé pour son art de mettre au point des défenses sans faille. Lasker, calmement, construit sa position; il n'est pas pressé.
21. ... Te6 22. fe6 Te6 23. a4 Rf7 14. ab4 ab4 15. Ta1Les noirs sont sans contre-jeu possible. Les blancs peuvent encore améliorer leur position en avançant les pions de l'aile roi pour ouvrir une colonne. Il est difficile de dégager une variante claire !
22. Rf2 Ta7
Ici, la tour ne sert à rien. On peut considérer que
la partie bascule sur ce coup naturel.
23. g4 h6
24. Td3
Une tour sur la troisième rangée ! On peut constater
maintenant que la seconde rangée n'a jamais servi aux
blancs. Lasker aurait pu opter pour l'amélioration du
Roi par g3 et f4, ou encore h4 !.
24. ... a5
25. h4 ab4
26. ab4 Te7
Il va de soi que ce coup n'a plus de raison d'être dans le contexte actuel. En plein cafouillage, les noirs cherchent que faire. Il eût mieux valu jouer 26. Ta6 pour garder la colonne ouverte, et menacer en même temps d'une irruption du cavalier par b6 et c4.bizarre !?
Les blancs dominent cette fin de partie, ce coup l'atteste : JRC a complètement perdu le contrôle de la partie. Le sacrifice de qualité était encore à envisager. Curieusement, Lasker ne profite pas de la colonne abandonnée par le cubain et préfère avancer le roi.
27. Rf3 Tg8
28. Rf4 g6
Encore mauvais. Les deux derniers coups des blancs étaient faibles : à cette place, le roi n'est d'aucune utilité. Il fallait jouer Tg3 dès le 27e coup. Quant aux noirs, ils devaient donner échec par 28. --- g5. Les noirs ayant laissé passer leur chance, les blancs vont désormais mener la partie à leur guise et déployer en finale un jeu remarquablement précis, tandis que chaque coup verra croître le désarroi des noirs. La finale se passe de commentaires. Soulignons cependant le peu de caractère dont j'ai fait preuve tout au long de cette partie. Quand un plan a été choisi, on ne doit plus en démordre sauf cas de force majeure. A mon avis, le 10e et le 12e coup des blancs étaient très faibles. Après quoi leu jeu fût sans reproche jusqu'au 27e coup qui était mauvais tout comme le 28e. La fin de partie fût bonne et peut-être même parfaite.Autrement le pion g5 serait trop fort, irrésistible.
Les noirs sont foutus.
29. Tg3 g5+
30. Rf3
Si 30. hg5 fg5+ 31. Rf3 Th8; les noirs gagnent un peu de contre-jeu.
30. ---Cb6
31. hg5
Si 31. Td6 alors 31. ... Cc4 suivi de Ce5+ donne aux noirs un bon jeu.
Si 34. --- Cc4 35. Ta1 gagne le fou noir.
Le coup de grâce.Et maintenant le camp blanc se débarrasse enfin du pion retardataire avec un effet surprenant. Les noirs sont forcés d'accepter le sacrifice. Les blancs ont simplement vidé la case e4 pour leur cavalier de la dame, dont l'entrée dans la bataille décide de l'issue.
35. --- de5
36. Ce4 Cd5
37. Cc5 Fc8
Si c'est la tour qui se déplace, 38. Cb7 Tb7 39. Cd6 donne le gain de la tour.38. Cd7 Fd7
Ce qui amorce un magnifique balayage des cases de l'échiquier, bon moyen de finir la partie.40. --- Rd8
Le camp noir ne peut prévenir l'échec victorieux du cavalier en e6 ou b7.Les noirs abandonnent.
Dans son match contre Tchigorine, le grand Steinitz sauve son titre de champion grâce à une énorme gaffe du russe. Peu après, et à la surprise générale, c'est le jeune Emanuel Lasker qui met fin aux 28 années de règne du roi Steinitz sur le score sans appel +10 =5 -5, 10 gains, 5 parties nulles et 5 défaites. Une revanche est organisée deux ans plus tard en 1896 à Moscou, c'est la catastrophe pour Steinitz qui perd 10 parties et n'en gagne que 2. Philosophe, Lasker déclare : le joueur a battu le penseur. Le grand Steinitz perd définitivement son titre, et la raison pour sombrer dans la folie et la misère comme termineront d'autres grands joueurs par la suite.
Anderssen incarnait le jeu romantique, Steinitz le jeu scientifique, Lasker le jeu psychologique. Lasker n'est pas un théoricien des échecs, il n'existe pas de variante Lasker, comme il l'avoue lui même, il ne sait pas jouer les débuts de parties ! Son jeu n'est pas spectaculaire, il est efficace. Lasker sait détecter les défauts et les faiblesses de ses adversaires. Il n'hésite pas à se mettre dans une position inférieure pour mettre en confiance son adversaire qui finit par relâcher sa garde et c'est la phase de jeu dans laquelle Lasker place toute son énergie pour trouver des ressources gagnantes.
Lasker ne veut pas finir misérable comme Steinitz,
il gère son titre qu'il met en jeu assez rarement, uniquement si
la mise en vaut la peine. Les américains mettent 1000 Dollars sur
la table pour donner une chance à Marshall. Le match à lieu
à New-York, et malgré son style spectaculaire et agressif,
le fougueux Frank Marshall s'incline sans gagner la moindre partie sur
le score +8 =7 -0.
Franck Marshall - Richard Réti deux styles
diamétralement opposés.
Lasker n'aura pas trop de mal à appliquer sa technique contre le jeu beaucoup trop dogmatique Siegbert Tarrash. Le Paeceptor Germiniae s'incline dans le match de Düsseldorf-Munich sur le score sans appel +8 -3 =5. Pas de quartier dans le match de Paris qui oppose Lasker au le brillant joueur d'attaque David Janowski +8 =3 -0. En 1910, Lasker conserve son titre de justesse lors de la confrontation avec Karl Schlechter qui se termine sur le score serré 1 gain, 1 défaite et 8 parties nulles.
Force est de constater que seul un style impeccable pouvait venir à bout du règne de Lasker. le prodigieux Harry Nelson Pillsbury, et surtout le grand joueur de position Akiba Rubinstein auraient peut-être pu battre Lasker. Hasard de calendrier ou pas, ces deux éphémères des 64 cases n'eurent pas leur chance.
Finalement, c'est le cubain José Raoul Capablanca qui a la force, et l'honneur de détrôné Lasker dans le match de 1921 joué à la La Havane. Avec philosophie, Lasker admet la supériorité du jeu de son rival tout en se reprochant un manque de préparation. Il continue à briller dans les grands tournois, il termine premier au tournoi de New-York de 1924 devant Capablanca, Alekhine, Marshall, Reti, Maroczy, Bogolioubov, Tartacover, Yates, Janowski et? Edouard Lasker, son homonyme !
En 1925, il se met à la retraite échiquéenne. Quelques années aprés, confisqué de tous ses biens par le régime nazi, il est contraint de rejouer aux échecs pour gagner sa vie. Il gagne encore quelques tournois forts relevés par les joueurs de la nouvelle génération Capablanca, Tartacover, Euwe, Botvinik, Reshevsky etc...En 1935, il prend un poste pour travailler à la faculté des sciences de Moscou. Trois ans plus tard, il émigre vers les Etats-Unis pour enseignes les échecs.
Un des auteurs du superbe livre <<Le monde des Échecs>> (je pense qu'il s'agit de Norman Lessing) nous rapporte sa rencontre avec le champion du monde au cours d'une simultanée organisée au Stuvesant Chess Club de New-York peu de temps après l'extraordinaire performance de 1924. Le jeune Lessing Norman est le seul des cinquante joueurs a tenir tete au champion. Le champion est au trait avec les blancs dans la position du diagramme ci-contre :Le materiel est égal mais la minorité noire bloque l'aile dame, les blancs manquent un peu d'air et une manoeuvre de triangulation donnent le gain aux noirs :
1. Rh3 Rf6 ! 2. Rh2 ! Re6 3. Rg2 Re5 4. c3 Rf5 5. Rh3 g4+ 6. fg4 Rg5
Et Lasker est contraint à l'abandon.
Ayant subi l'épreuve épuisante de jouer contre cinquante adversaires, Lasker aurait mérité à coup sur quelque indulgence s'il avait manifesté une légère mauvaise humeur de voir ternir son record parfait. Au lieu de cela, il se pencha à travers la table, passa la main dans les cheveux de son jeune adversaire (lui souflant au visage par inadvertance, faut-il le préciser ? la fumée de son cigare ) et dit, avec son chaleureux et aimable sourire :
<< c'est un plaisir de perdre aussi belle fin de partie. Mes félicitations, jeune homme !>>
On n'aurait pas plus été surpris que le jeune joueur de treize ans ait été destiné à passer sa vie entière au service de Caissa, ou qu'il ait concu une passion tout aussi durable pour le cigare...Extrait du monde des échecs de Norman Lessing et Anthony Saidy.
En 1924, la ville de New-York organise un tournoi très relevé auquel participent des joueurs de premier plan. Il s'agit d'un tournoi fermé à onze joueurs en vingt-deux rondes, tous les joueurs s'affrontent en deux parties. Trois champions du monde sont présents : Emanuel Lasker qui a perdu son titre en 1921 quelques années auparavant contre José-Raoul Capablanca. Alexandre Alehkine qui succédera au cubain en 1927 suite au match marathon de Buenos Aires (dix semaines) +6 -3 =25. Les huit autres joueurs sont Janowski, Tartakower, Maroczy, Bogoljubov, Marshall, Reti, Yates et Edouard Lasker.
Le tirage n'ai pas favorable pour les champions qui doivent s'affronter dans les premiers tours. Lasker commence très bien, il annule contre Capablanca à la deuxième ronde et bat Alekhine dans la troisième. A partir de là, il gère son tournoi avec intelligence, annulant contre les plus forts et gagnant les plus faibles. Il termine comme une fusée marque 6,5 points dans les 7 dernières parties.
Dans la dernière partie, quand Marshall
offre son roi à Lasker, des tonnerres d'applaudissements éclatent
pour saluer l'exploit de l'ancien champion du monde. Agé de 56 ans,
il vient de s'offrir une superbe revanche contre Capablanca en gagnant
le plus fort tournoi de tous les temps. C'est le moment qu'il choisit pour
prendre sa retraite de la haute compétition.
Bien plus tard, parce que spolié de ses biens par le régime
national-socialiste, Lasker devra jouer par nécessité. Je
vous propose de revivre ronde par ronde le parcours de Lasker.
[ toutes les parties au format pgn zip ] [ mes commentaires des parties de Lasker ]
|
repos | |||
ronde 2 | Capablanca | 1/2 | ||
ronde 3 | Alekhine | 1 | ||
ronde 4 | Janowski | 1 | ||
ronde 5 | Tartakover | 1/2 | ||
ronde 6 | Lasker Ed. | 1/2 | ||
ronde 7 | Maroczy | 1 | ||
ronde 8 | Bogoljubov | 1 | ||
ronde 9 | Marshall | 1/2 | ||
ronde 10 | Reti | 1 | ||
ronde 11 | Yates | 1/2 | ||
ronde 12 | Janowski | 1 | ||
ronde 13 | Bogoljubov | 1 | ||
ronde 14 | Capablanca | 0 | ||
ronde 15 | ||||
ronde 16 | Reti | 1 | ||
ronde 17 | Yates | 1 | ||
ronde 18 | Alekhine | 1/2 | ||
ronde 19 | Laskler Ed. | 1 | ||
ronde 20 | Maroczy | 1 | ||
ronde 21 | Tartakover | 1 | ||
ronde 22 | Marshall | 1 |
Dés lors, on peut parle de degré de courbes, surfaces etc... Le théorème de Bézout, affirme que deux courbes de degrés m et n sans composantes communes se coupent en au plus mn points. Une courbe plane de degré n est déterminée par n(n+3)/2 coefficients alors que deux courbes générales de degré n se coupent en n^2 points : c'est le paradoxe de Cramer !
Fermat, Euler puis Newton se lancent dans les problèmes de classifications des quadriques, cubiques et quartiques. Mais cette géométrie est d'une lourdeur extrème. Deux centaines d'années après Desargues, Monge et Poncelet introduisent les points à l'infini, la géométrie devient projective. Les énoncés se simplifient à l'image du théorème de Bézout. Dans le plan projectif, deux droites distinctes se coupent en un et un seul point, deux cercles distincts s'intersectent en exactement quatre points.
Au début du XIX-ieme, Riemann ouvre une nouvelle voie, celle de la géométrie birationnelle qui consiste à observer un objet géométrique non seulement au travers de ses points mais aussi (surtout) au travers de l'espace de ses fonctions. Les notions de zéros et de pôles deviennent capitales, elles conduisent au genre d'une courbe et au théorème de Riemann-Roch.
L'école algébrique naît en 1882 des mémoires de Kronecker et Dedekind -Weber qui sont les premiers à prendre conscience des profondes analogies entre la géométrie algébrique et la théorie des nombres. Ils inventent les notions de dimension, d'idéaux et de variété irréductible et associent à un ensemble algébrique X de C[X1,...,Xn] l'idéal I(X) des polynômes qui s'annulent sur X. Aux points de X correspondent les idéaux maximaux de A/I(X). Quand Kronecker montre que la primalité de I(X) entraine l'irréductibilité de X, il pressent l'existence d'une réciproque mais sa définition d'idéal premier est imparfaite.
En 1905, Emanuel Lasker introduit la notion d'idéal primaire.
Il démontre que tout idéal de C[X1,...,Xn]
s'écrit
comme une intersection d'idéaux primaires. Un résultat qui
fournit la réciproque du théorème de Kronecker.
Un idéal Q de A est dit primaire si le produit xy de deux éléments de A, xdans A\Q, ne peut être dans Q sans qu'une puissance de y ne le soit.
En d'autres termes, les diviseurs de zéros de l'anneau quotient A/Q sont tous nilpotents. Notons bien qu'idéal premier est primaire mais que la puissance d'un idéal premier n'est pas forcément primaire. Si Q est primaire alors il existe un et un seul idéal premier P inclus dans Q formé des éléments de A dont la classe est un diviseur de zéro dans A/Q. On dit que Q est au-dessus de P.
Exercice. Soit Q un idéal contenant
une puissance d'un idéal maximal M. Montrez que Q est primaire.
La condition maximal ne peut-être relachée. Considérez
A l'ensemble des polynômes à coefficients entiers dont le
terme de degré 1 est divisible par un nombre premier p. Montrez
que A est un anneau et que l'idéal P=(pX, X^2) est premier mais
que P^2 n'est pas primaire.
Théorème de Lasker. Dans un anneau Noetherien, un idéal se décompose d'une et une seule façon commeune intersection d'idéaux primaire.
La démonstration ne pose pas de problème à l'étudiant du XX-ieme siècle. Soit X l'ensemble des idéaux propres de A qui ne possèdent pas de décomposition primaire. Si X est vide c'est fini, sinon on utilise la noetherianité de A pour extraire un idéal I maximal parmi ceux qui ne sont pas décomposables. Il existe un élément a non-inversible et non nilpotent modulo I. On utilise une seconde fois la Noetherianité pour dire qu'il existe un endomorphisme T de A/I (une certaine puissance de la multiplication par a) tel que ker ToT = ker T. On en deduit que ker T et Im T sont disjoints. Ils se relèvent dans A en deux idéaux qui contiennent strictement I et dont l'intersection vaut exactement I. On en déduit que I est une intersection d'idéaux primaires, c'est donc une intersection d'idéaux primaire. Une contradiction qui prouve que X est vide !